Webzine Le Net Blues
-- Par: Réjean Nadon
courrier@lenetblues.com
Photos: Source Pierre Jobin
Pierre Jobin
L'intervieweur, interviewé
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Buddy Guy - Pierre Jobin
Festival d'été de Québec 2004
La première fois que j'ai parlé à Pierre Jobin c'était à l'occasion du Festival de Jazz de Montréal, tout près de la scène Blues.  Notre rencontre fût de courte durée,  entre deux spectacles au programme et poutant on aurait dit que je le connaissais depuis des lunes. J'avais été impressionné par sa courte description du spectacle que nous venions de voir. Je me souviens aussi de ses écrits sur son site web Les Amis du Blues qui était à l'époque la référence francophone du blues de chez nous. Encore aujourd'hui, son expertise est demandée afin de décrire certains albums sur des publications tel le Blues & Co de France et Québec Audio. Il m'a souvent dépanné en décrivant sur Le Net Blues des événements de Québec et des reportages voir jusqu'en Gaspésie. Un mentor qui a été une souce d'inspiration et qui a accepté de jouer à l'intervieweur interviewé. 

Un parcours impressionnant, des rencontres artistiques internationales et maintenant il aimerait offrir aux artistes et Bluefans ses propres compositions. Voici tout en photos, l'entrevue réalisé via le web en collaboration avec ce grand reporter.


 
Si nous reculons dans le temps, qu’est-ce qui t’as amené vers le Blues ?
Le feeling de la guitare d’Albert King m’a rejoint directement dans les tripes à l’adolescence. C’en était fait, j’étais accroché.

Pourrais-tu me raconter tes contributions vis-à-vis le Blues ?
Oh ! ça c’est le côté le plus merveilleux de l’histoire, mes rencontres avec les bluesmen, principalement de la vieille école, nés dans le Mississippi et, pour une bonne part devenus des vedettes ou des icônes du Chicago Blues de l’Après-Guerre. Ça a commencé par la radio à CIHW FM 100.3 au Village des Hurons Wendat, pas loin de chez-moi à Loretteville où j’animais une émission qui s’appelait «Échos Sonores», titre tiré de Les Gens de mon pays de Gilles Vigneault, car CRTC oblige, j’étais obligé de faire passer 50% de francophone, et à cette époque, on avait vite fait le tour côté blues francophone, Offenbach, Pierre Harel… au Québec…
Bill Deraime, Paul Personne et quelques autres en France, Milteau, Benoît Blue Boy, Patrick Verbeke ; ces artistes n’étaient pas toujours facile à se procurer, et le tour était vite fait.

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Reese Wynans (clavier) - Steve Ray Vaughan - Pierre Jobin
In Step Tour - Été 1989
Il y avait bien du blues et des influences saupoudrées ici et là comme du sel comme dans les disques de Charlebois et même de Jean Lapointe et d’autres… Étant nord-américains, ça finit toujours par nous atteindre assez vite. Y’avait aussi les premiers enregistrements de pionniers du genre Bob Walsh et Jim Zeller, mais même ici, ça se passait surtout en anglais. Puis, à l’été 1989, lors d’une séance de signature du In Step Tour et album de Stevie Ray Vaughan, ma carte de CIHW m’a obtenu un «backstage pass» et un point de vue imprenable sur la concentration et le jeu de SRV. J’ai été frappé par la simplicité de tout le groupe de musiciens, Tommy Shannon, basse, Reese Wynans, claviers et Chris Layton, drums. Peu de mots, mais beaucoup d’attention aux gens et d’écoute de leur part. Ces musiciens-là étaient à leur zénith ou à tout le moins à un moment fort de leur histoire. J’ai fait ensuite trois ou quatre séries d’émissions de blues à
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Pierre et Eddy The Chief Clearwater
Québec 1996
CKRL MF 89.1 à Québec, les vendredis ou samedis soirs, dont Blues Atout, Blues Illimités et Les Mousquetaires Bleus en alternance avec Denys Duchêne ; au moment de cette dernière série d’émissions, je présentais une émission aux deux semaines, car je voulais ralentir, étant très impliqué dans la revue Les Amis du Blues, une «passion de fou» menée à 200 milles à l’heure. Ça a duré 4 ans et demi, un record dans les annales québécoises, car la couple d’autres tentatives ont duré 2 -3 numéros. Y’avait quelques piliers formidables, quelques passionnés, des correspondants à Montréal, parfois en région et en France, dont Arol Rouchon fondateur de la revue Blues & Co, puis maintenant de BCR pour Blues’country et Rock n’ Roll et Gérard Herzhaft, une sommité mondiale du blues, auteur de l’Encyclopédie du Blues, publiée en 7 langues au moins, écrivain et  musicien. Il est aussi l’auteur du Que sais-je ? sur le Blues, de Larousse, de celui sur le Country, etc. etc. etc.

Avant mes rencontres avec plusieurs bluesmen, son «encyclopédie» me servait déjà de livre de chevet pour mes émissions de radio. Puis le premier bluesman que j’ai rencontré et interviewé, c’était Jimmy Rogers, guitariste de la première heure du Chicago Blues de l’Après-Guerre, dans le band de Muddy Waters. Je pouvais difficilement rencontrer type plus sympathique et intéressant. Il avait autour de 70 ans, bien calme, bien cool, je sais que ça a l’air prétentieux, mais, pour moi, je l’ai surnommé «Sweetman». Il m’a vraiment ouvert le cœur et l’esprit sur le monde Mississippi-Chicago et sur sa philosophie de vie, en allant directement à l’essentiel. 

Puis, il y en a eu Lonnie Brooks et des dizaines d’autres jusqu’à BB King, en passant par Keb Mo. J’aime ces bluesmen, entre autres les «vieux» au background rural commun du Mississippi, Sud, Gospel, Blues, etc. Ils me font penser un peu à mes oncles, ici au Québec, car comme eux, ils ont une expérience et une culture commune et surtout, une simplicité toute naturelle, un humour rafraîchissant et une verve de raconteur irrépressible. Pour moi qui s’intéresse à la petite histoire des gens simples et un peu «spéciaux», c’est trippant ! Pour donner un exemple, j’ai posé 2 ou 3 questions à Guitar Shorty, beau-frère de Jimi Hendrix et il m’a parlé plus d’une demi-heure, me racontant qu’il avait été premier guitariste dans  le band de Ray Charles, qu’il avait joué aussi dans celui de Sam Cooke, ainsi qu’avec T-Bone Walker. Petit monde que celui du blues à cette époque, que je me disais… Il m’a aussi raconté que Hendrix avait décidé, comme truc ou effet de brûler sa guitare, car il ne pouvait pas comme lui, faire un saut avant de 360 degrés, sans main et retomber sur ses pieds, et continuer à jouer de la guitare.
Ce truc de performer-amuseur, je venais de le voir dans la soirée, au D’Auteuil, à Québec. Guitar Shorty était descendu dans la salle pour jouer de la guitare, jusque là, rien d’étonnant! Puis, tout en jouant, il s’était mis à tasser les chaises avec ses pieds, je trouvais cela spécial… Commençait-il le ménage avant le temps ? Puis, après avoir dégagé une allée dans la salle, il s’est reculé, s’est élancé de quelques enjambées et a fait une pirouette avant de 360° la guitare dans les mains pour retomber sur les pieds et continuer à jouer de la guitare. Quelle belle façon de marquer une pause dans un solo et pour un performer-bluesman de laisser sa trace personnelle ! Ce ne serait rien, sans doute pour un bluesman, si ce n’était que plusieurs de ses albums sont très bien cotés, comme par exemple My Way on the Highway sur étiquette JSP qui a reçu 5 étoiles sur 5. Donc, les bluesmen, principalement de la vieille génération ont beaucoup contribué à me transmettre une certaine proximité par rapport au blues.

Quelle a été ta plus belle ou plus importante rencontre/entrevue ?
Oh ! la plus belle rencontre ? C’est difficile à dire, il y en a eu plusieurs. SRV et son band, peu de paroles, beaucoup d’esprit; Jimmy Rogers, le premier que j’ai interviewé, très sweet,

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Keb Mo - Pierre
Festival Les Nuits Black - 1995
philosophe et, philosophe et créatif, causant dans la loge avec Ted Harvey, ex-batteur de Hound Doug Taylor; Lonnie Brooks qui m’avait fait un indicatif pour la radio, «You’re listening to Pier Jââ…vez (prononciation espagnole) on WCKRL…», non le WCKRL, c’était Eddy «The Chief» Clearwater qui devait penser que comme aux États-Unis, tous les indicatifs de postes de radio commencent par un «W». Junior Wells, car il est probablement le bluesman le plus émotionnel que j’ai rencontré, avec une vision ouverte et universelle du blues, qu’il connectait à tous le humains, de tous les temps et de toutes les civilisations. Il m’a beaucoup rejoint, dans mes convictions les plus profondes. Cash Mc Call, ami de Willie Dixon, que j’avais vu en première page du Living Blues et qui s’est révélé un des bluesmen les plus intenses que j’ai jamais vu en spectacle. Je parle ici de son spectacle avec les Rythm’ Blues King de Chicago, ex-Big Twist & the Mellows Fellows, jadis, au Granada, à Sherbrooke en Blues. Keb Mo, poète du blues, artiste exceptionnel; Chicago Pete, un vrai, un dédié, proche des gens; Buddy Guy, un passeur de flambeau, au cœur de différents courants, Muddy Waters, BB King, Eric Clapton, Scott Holt. BB King, le plus puissant, la personnalité la plus forte de tous les bluesmen que j’ai rencontrés. Sans trop vouloir allonger la liste, je tiens à ajouter aussi James Cotton, que j’ai vu en ouverture de programme double avec Muddy Waters au Palais Montcalm à Québec, il y a plusieurs années. C’était le premier show de blues venant de Chicago que je voyais, et, comme mon ami nous avait dit que nous allions voir Muddy Waters, je croyais après son spectacle, ultra énergique avec un band bardé de cuivres, que je venais de voir Muddy Waters. Ayant revu James Cotton, il y a une couple d’années, je lui ai parlé de mes souvenirs impérissables de spectacles, quand il jouait avec Ray «Killer» Allison, à la batterie, Michael Coleman à la guitare et les cuivres… Il a acquiescé, levé le pouce avec un sourire. À ce moment, il n’était plus capable de parler, il avait de la difficulté à entendre avec des appareils, et tout, mais il «blowait» toujours, Mr Superharp, le premier bluesman que j’ai vu, sûrement un des plus énergiques et des plus entraînants !

Tu as des relations artistiques et amicales avec plusieurs amis bluesmen et intervenants de la France ?

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Pierre - B B King
Entrevue dans l'autobus de tournée - Québec 2004
Dans les débuts de la revue Les Amis du Blues, je reçois un appel du père d’un passionné de la note bleue qui me dit, attendez, je vous passe mon fils. Croyant avoir affaire à un enfant, je réponds. Et j’ai effectivement un passionné au bout du fil, c’était Arol Rouchon qui démarrera plus tard Blues & Co, puis BCR, la revue. C’est un peu plus tard que je me suis aperçu que je ne parlais pas à un enfant, je ne sais pas combien de temps, exactement, m’enfin ! Puis Arol a contribué de ses articles sur le blues et les bluesmen français. Par la suite, il a fondé Blues & Co et j’ai écrit régulièrement dans cette revue sur le blues de toutes provenances qui se passait, ici. Ceci m’a fait connaître un peu dans le milieu, là-bas, ainsi que ça m’a fait connaître les productions françaises qui m’étaient acheminées d’outre-atlantique. Puis, un ou deux ans plus tard, mon héros-écrivain qui se décrit lui-même comme un bluesfan, Gérard Herzhaft venait au Québec et il devait notamment prononcer une conférence sur le blues au Salon d’Edgar, rue St-Vallier, à Québec. Ne vous demandez pas, j’étais là pour rencontrer ce passionné et érudit, ayant marché dans des coins reculés du Mississippi pour rencontrer de vieux bluesmen ou de vieilles blueswomen, obscurs pour la très grande majorité des bluesophiles .
J’eus le grand plaisir de le rencontrer et de faire une courte entrevue avec lui et aussi avec son frère Cisco, super guitariste de ragtime et blues.
Malheureusement, la conférence n’a pas eu lieu, car malgré un entrefilet dans le journal, le spectateurs se comptaient sur les doigts d’une main, dans la salle. Donc, M. Herzhaft a conversé avec les gens présents. À ce moment-là j’aurais aimé en avoir plus de contenu, bien sûr ! J’en ai eu plus, par la suite. M. Herzhaft a fait paraître des textes de très grande qualité dans la revue Les Amis du Blues, notamment, des extraits de Ballade en Blues un livre inédit qui relate ses pérégrinations dans le Sud, au Mississippi, à Memphis, puis à Chicago etc. Il y a des chapitres vraiment très captivants dans ces récits de voyage, des perles !!! Je me suis senti ultra privilégié d’avoir accès à ces textes et de pouvoir les partager avec les lecteurs des Amis du Blues. Puis grâce à l’implication d’Arol Rouchon, je suis allé en France avec Mike Deway et le Only Blues Band qui ont joué notamment au Festival Le Blues autour du Zinc de Beauvais, ce qui m’a permis de tâter un peu de la scène blues en France, à l’époque. À travers ces événements, contacts et disques compacts, j’ai pu pendant un certain temps être un témoin privilégié de ce côté-ci de la «grande mare aux canards», de l’évolution du blues ou des différentes formes du blues en France. J’ai eu aussi le grand plaisir que Patrick Verbeke, parmi les pionniers du blues en France et grand ami de Luther Allison -quelle bonne source d’inspiration, difficile de trouver mieux et de plus énergique- vienne à la maison et me gratifie d’une entrevue substantielle. C’est comme si on pouvait dire que le blues est un petit monde qui s’étend à perte de vue !
 
 
Aujourd’hui tu m’as fait parvenir un album de tes compositions. Est-ce que tu voudrais nous expliquer ce nouveau projet?
Donc, je veux faire quelques tounes parce que je prends plaisir à transmettre une certaine vision d’une époque blues, vue au travers d’une lunette québécoise. J’espère que ça pourra intéresser au moins deux ou trois personnes, car je fais mienne cette phrase de «Les Mauvais Conseils» de Félix Leclerc, «Et si tu chantes, chante pour toi d’abord…» Je veux aussi faire d’autres blues originaux, notamment en français. J’en ai même un avec du latin «Errare Humanum Es». Je crois qu’un blues avec du latin, c’est une première ! Pour moi, il n’y a pas de frontières, pas de limites dans la création, seulement des ancrages avec les humains «et les humains sont de ma race», comme disait Vigneault. Au niveau des collaborations, je voudrais tout d’abord mentionner Normand Lacroix qui a capté les enregistrements dans son studio. Normand est un excellent guitariste avec beaucoup d’écoute et de goût. Ex-Dirty Blues Band, il est maintenant avec le Glen Gillis & The Blues Experiment, pour lequel il a réalisé le surprenant 2e album «The Letter D». Ensuite, je voudrais parler de Gilles Sioui, un guitariste recherché pour les enregistrements, que Kevin Parent est allé chercher pour jouer avec lui au Centre Bell. Qu’il ait accepté de participer à mes premiers balbutiements au niveau de l’enregistrement, m’inspire beaucoup. Il a trois CDs à son actif et un son à vous amener «on the other shore». Au violon, il y a Marek Bourgeois, qui mélange admirablement avec Gilles Sioui sur Mississippi Bluesman. Marek est membre du Cajun Blues Band de Jay Sewall, depuis une dizaine d’années. Il a toute une énergie ! Sur cette pièce, Clément Duhamel a fait la basse et Fernand Paré, un vieux routier du blues à Québec, la batterie. 
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MP3 #1 - Mississippi Bluesman
MP3 #2 - Errare Humanumes
MP3 #3 - Great Bluesmen
MP3 #4 - Hi! Bird
MP3 # 5 - Né dans la Mississippi
J’ai aussi eu le plaisir d’avoir Dan Livingstone et sa guitare de style traditionnel, pour une autre version, bilingue cette fois, de Mississippi Bluesman, car le texte a été écrit en français, d’abord, comme une sorte de fusion d’éléments recueillis auprès de plusieurs bluesmen riches d’expériences. Dan joue aussi la guitare sur l’atypique Errare Humanum Es.
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Pierre et John Mayall
Festival International du Blues de Tremblant 1997
Great Bluesmen, j’l’ai fait tout seul, «live studio», un point de vue personnel à propos de bluesman qui m’ont touché, inspiré. C’est tel quel ! Sur Hi ! Bird, Normand Lacroix est venu rajouter une guitare underground et solo, après coup. Je trouve ça extra, il sait faire avec ! Le système était parfait, c’est juste mon strumming et ma voix, mais j’y entends des claviers atmosphériques et des chœurs pink floydiens. C’est comme le mouton dans la caisse du Petit Prince, vous imaginez ce que vous voulez comme arrangements. Le «great big system» truffé de mécanismes équilibrants et sophistiqués, peut-il être parfait sans la Tendresse ? Donc, ce projet, c’est pour moi une amorce de partage de passion et de créativité, sous une autre forme, plus personnalisée que ce que j’ai fait avant. Avant je relayais, les paroles et les expériences des autres en y mettant ma touche, maintenant, je passe à une autre étape, celle de proposer mes créations aux gens, parfois à l’état brut, comme une invitation à l’ouverture et au partage, pour aller plus loin  de façon libre et créative… Si vous êtes, à quelque part, pittoresques, atypiques, un peu bizarre, flyés, créatifs, sincères, authentiques et que vous aimez raconter ou entendre des histoires fabuleuses, senties, vraies, épiques, drôles, colorées, cela pourrait peut-être vous intéresser. 
Comme disait Félix Leclerc, citant Rabelais, écrivain français, tour à tour, franciscain, bénédictin, étudiant errant, médecin, puis curé de Meudon, ainsi qu’écrivain dans la lignée de la littérature d’almanach qui s’efforce de concilier culture savante et culture populaire (Source Petit Larousse), «Fais ce que veux» Est-ce assez clair ? Et puis, avez-vous du flair ? Si vous flairez quelque chose, dites-le moi, j’suis bien ouvert aux commentaires pour autant qu’ils aient du caractère, un peu de tenue et sincère.
 
 
Est-ce que ce démo est une idée qui te trottais dans la tête depuis de temps ?
Ce démo me travaille depuis longtemps. J’ai toujours aimé écrire, la chanson, la poésie... J’ai écrit beaucoup à partir des bluesmen ou artistes comme source d’inspiration, reportages, entrevues, critiques de spectacles, de disques, ce que je fais encore, d’ailleurs, pour les disques dans la revue Québec Audio & Vidéo, pour le reste parfois sur Le Net Blues ou encore dans des revues françaises. J’ai été rédacteur en chef de la revue Les Amis du Blues pendant quatre ans et demi et considérant les offres que j’ai eues pour écrire, je crois que je me débrouille pas mal, là-dedans. Maintenant, écrire son propre matériel pour soi ou pour les autres, ça a beaucoup plus de portée, d’implication, parce que le matériau de base, c’est toi ou ton inspiration, pas celle des autres; les limites à l’intérieur desquelles tu évolues, ce sont les tiennes, pas celles des autres. Quand on dit que la critique «ou le commentaire» est facile et que l’art est difficile, c’est relativement vrai pour la première partie de l’énoncé et sûrement très vrai pour la deuxième partie, car «sky is the limit», comme on dit. Donc, ça fait 5 à 6 ans environ, que j’écris plus particulièrement des trucs plus personnels et originaux.

Est-ce que tu as le goût de monter sur scène et y aura t-il un lancement ?
Ma priorité, c’est de monter les pièces pour les présenter aux gens ou aux autres artistes. 

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Pierre et James Cotton
North Atlantic Blues Festival - USA 2002
Actuellement, j’ai plus une urgence de partager mes écrits que mes performances, car le côté musicien n’est pas mon point fort. Cependant, c’est un jeu auquel j’aime bien m’adonner. Qui sait, je pourrai peut-être partager dans la simplicité et un certain lyrisme, cependant, ce n’est pas un but immédiat, actuellement. Quant à un lancement, ça va me prendre un nombre plus important de blues et de chansons enregistrés avant de procéder. Maintenant, je propose des choses et on va voir où ça va me mener. J’aimerais bien écrire pour d’autres et m’exprimer de plus en plus par la chanson. Pas besoin d’être un grand chanteur pour avoir quelque chose à dire.
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Pierre et Hubert Sumlin
Cabaret du Capitole - Québec 2004
Qu’est-ce que tu aimerais que les gens disent de ton album?
Qu’il s’y retrouve quelque chose d’inhabituel, d’original, de beau dans certains aspects, et que ça vaudrait peut-être la peine de surveiller…

Ça fait plusieurs années que tu patauges dans le monde du blues, est-ce que depuis les 20 dernières années cette musique a évoluée chez-nous et/ou ailleurs ?
Oui, je barbote dans les eaux boueuses depuis un bon bout de temps et c’est sûr que comme toute musique traditionnelle, le blues évolue avec son temps. Cependant je crois que quand on veut faire du blues ou que l’on veut appeler ce que l’on fait blues, il faut se relier quelque part à la tradition. Cela n’empêche pas d’innover ou de créer des musiques hybrides ou même de nouvelles musiques. Jimi Hendrix a longtemps joué du blues et accompagné des artistes de blues, mais à partir du moment où il invente et joue du psychédélique, ce n’est plus du blues. Ça peut être excellent, inspiré du blues, mais ce n’est plus du blues. Si Jimi Hendrix décide de faire un album de blues, ce n’était pas un problème pour lui, alors on appellera ça un album de blues. 

Sans vouloir être un puriste, il faut peut-être se demander devant une pièce ou un album, quel est le lien avec la tradition ou le style musical blues. S’il n’y a aucune réponse qui vient, c’est peut-être que c’est une excellente musique, mais que ce que n’est pas du blues. Moi, si je fais de la chanson, je ne fais pas de blues. C’est sûr que le blues évolue, prenons par exemple le cas de Howlin’ Wolf, un des plus grands bluesman performer de tous les temps, selon plusieurs. À preuve, Sam Phillips de Sun Records qui a découvert Elvis Presley, Johnny Cash, Roy Orbison, BB King, Jerry Lee Lewis et plusieurs autres, y compris Howlin’ Wolf, a mentionné qu’il considère ce dernier, comme sa plus grande découverte. Or, Howlin’ Wolf sur London Session, en compagnie de Eric Clapton, Steve Winwood et compagnie, apparaît plutôt hésitant, voire mal à l’aise de prendre la guitare, devant des musiciens si techniquement compétents. Ils doivent insister pour la lui faire prendre pour leur montrer. Pourtant, c’est lui l’«originator», l’auteur, le compositeur, le créateur de la musique que ces jeunes britanniques essaient d’intégrer. Cela est une métaphore pour dire, qu’aujourd’hui, dans le blues, il y a des tonnes de guitaristes et autres instrumentistes techniquement plutôt compétents, mais que les bluesmen au cœur solide, imbibés de feeling et créatifs, sont plutôt rares.
Donc le blues évolue certainement vers plus de technique, mais à mon avis, ça ne devrait jamais se faire au détriment du f-e-e-l-i-n-g ou la transmission du senti de l’expérience. Ou sinon, est-ce encore du blues ou autre chose, qui par ailleurs, peut être excellent ? De façon sommaire, le blues se répand et évolue dans toutes les parties du monde et chaque peuple a ses musiques traditionnelles «Beats of the heart», qui sont en quelque sorte, ses blues tristes ou joyeux. Cependant, si l’on parle de la musique afro-américaine née au début du xxe siècle, je crois que le boom de l’âge d’or est passé. La naissance s’est faite dans le Sud des E-U, l’âge d’or a fleuri dans les villes industrielles comme Chicago, Detroit, Los Angeles, ensuite disséminé par les jeunes britanniques et les jeunes de la contre-culture américaine, pour se diluer sous diverses concentrations, un peu partout dans le monde avec le démembrement du Bloc de l’Est, l’ouverture des frontières, et le boom des moyens de communications, notamment avec internet. Heureusement, il existe beaucoup de témoignages sur disques et DVD de ces pionniers du blues et blues heroes, et tant que le monde sera monde, je ne crois pas que le blues puisse mourir. Il y en aura, ici au Québec, comme ailleurs pour tous les goûts et toutes les profondeurs. How blue can you get ? How do you want to be blues related ? C’est à chacun de décider. 
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Chris Murphy - Pierre Jobin - Chicago Pete
Festival International du Blues de Tremblant - 1998

 
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Sue Foley et Pierre
Festival Orage Blues - Québec 2003
Photos Gilles Bérubé
Quel est  ton album de blues préféré ?
Live Wire-Blues Power d’Albert King parce que c’est cet album qui m’a accroché au Blues. Parce qu’Albert King est un géant qui a du feeling et de la personnalité. Parce que son style de guitare est puissant et en a influencé plusieurs, dont Stevie Ray Vaughan. Parce que sa voix est puissante, pleine de feeling, qu’il est charismatique en communion avec les spectateurs. Parce qu’il est convaincant quand il prononce le mot Blues et que les gens sont prêts à le croire quand il dit «Would you believe that I have invented «Blues Power ?». Aussi, parce que c’est un album live et que pour moi, le meilleur album de blues est nécessairement live, en interaction avec le public qui peut s’identifier avec le vécu du performer bluesman, et par là se libérer d’un fardeau, en quelque sorte. 

Merci beaucoup de cette entrevue. Veux-tu adresser quelques mots en terminant à nos internautes ?
Je vous remercie d’avoir lu cette entrevue. Si vous avez commencé par la fin, il est absolument interdit de retourner au début, à moins que vous en ayez envie. Vous pouvez me faire part de vos commentaires par courriel 
(golyblues@hotmail.com). En terminant, je vous souhaite d’appeler un chat, un chat, une chanson, une chanson, et un blues, un blues ! Ciao ! Enjoy la chanson Great Bluesmen, ce sont eux l’inspiration du Blues !

Réjean Nadon


 

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