-- Par: Réjean Nadon
courrier@lenetblues.com
Photos: Daniel Guimond
Jitterbug Swing
Entrevue


--- Jitterbug, nom d’une danse de couple des années 30 qui a été adapté apprend-on d'archives américaines, par les blancs qui n’arrivaient pas à danser aussi rapidement que les noirs sur des tempos élevés. Le Jitterbug (l’agitation de l’insecte) est aussi un surnom donné par les radios, en 1941, aux adolescents adeptes de ce style de danse ainsi que pour leur tenue vestimentaire. 

Ici, depuis une vingtaine d’année,  le duo acoustique Jitterbug Swing (nom tiré d'un titre d'une pièce de Bukka White) nous fait reculer dans le temps en nous offrant leur blues tiré des racines. Munis d’instruments d’époque, leur interprétation est à la fois spectaculaire et débordante de talent. Leur album disponible sur leur site web au jitterbugswing.com abonde des classiques des Big Joe William, Ray Charles, Jimmie Rodger, Willie Brown pour ne nommer qu'eux. 20 pièces toutes aussi inspirées les unes que les autres et qui nous laisse percevoir l’excellent multi instrumentiste, Brian Edgar ainsi que la voix chaude et toute mignonne de Danielle Lemieux, qui s’exécute également à la Contre bassine (Washtub bass).

Ils seront sur la scène du Théâtre Corona de Montréal le 3 févier 2009, dans le cadre d’une série Les Mardis Blues au Corona en première partie du Rick L Blues Band. Vous pouvez vous procurer vos billets sur le réseau Admission.com.  En attendant et pour découvrir ou redécouvrir les Jitterbug Swing, voici donc une entrevue réalisée avec la chanteuse Danielle Lemieux. 


 
Bonjour Danielle, 
Peux-tu me raconter comment ce duo musical est né.
Brian et moi, sommes un vieux couple. C’est à travers la musique que nous nous sommes rencontrés.  J’habitais Halifax et je faisais du bénévolat dans un café culturel qui présentait des artistes locaux et d’ailleurs. Lorsque j’ai entendu Brian jouer du vieux blues avec sa guitare et une slide, j’ai été tout simplement sidérée. Jamais une musique m'a figé et m'a touché de cette façon.  Ce n’est que plusieurs années plus tard, de retour à Montréal, que nous avons décidé de faire de la musique ensemble.  Nous avons passé un hiver dans les Cantons de l’Est où j’ai appris à jouer le ukulélé (Roy Schmeck 1923) et appris quelques chansons. À nos débuts, on répétait dans le métro et sur la rue et je trouvais ça très difficile et très intimidant. Nous avons décidé de former un Jugband et, dans l’espoir de trouver des gens qui savaient de quoi on parlait, on a posé des affiches dans les pochettes plastiques des disques de la section blues acoustique chez Sam the Record Man.  Trois personnes ont répondu dont une, Guy Ferraton qui animait l’émission de blues à CIBL radio Montréal et un guitariste du nom de Rob Hunter. Guy disait savoir jouer de la planche à laver et Rob était notre guitariste soliste. C’est aussi à l’époque de la revue Blues Local. Cette revue nous a donné un énorme coup de pouce. En plus de tripler notre salaire (on ne gagnait vraiment pas cher!),  avec Rob, on jouait entre autres au Blues Clairs, G Sharp’s,  l’Inspecteur Épingle. 
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Danielle Lemieux
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Brian Edgar
C’est là qu’on a rencontré Bob Harrisson qui nous a donné un bon appui en nous engageant aux Sessions Blues sur Saint-Denis.  Par la suite s'est ajouté un harmoniciste, Yvon Marcotte ainsi qu'un clarinettiste, Cowboy Buddha. On était deux à s’échanger la contre-bassine et le ukulélé. On avait beaucoup de plaisir sur scène. On allait souvent chez Coco à Val David. On a fait nos dents là.  À un moment donné, Brian et moi avons décidé que sa guitare, ma voix et la contre-bassine suffisaient pour interpréter la musique qui nous tenait vraiment à cœur, c'est-à-dire; du blues acoustique et moins de jugband.  Et nous sommes un duo depuis, à l’exception d’un intervalle avec Harmonica Zeke.

Peux-tu nous parler de cet instrument (contre bassine) que tu utilises en concert?
Le washtub bass baptisé contre-bassine par nos cousins français a des origines africaines.  Il en existe des versions différentes sur tous les continents. La tradition a été répandue par le commerce des esclaves et plus tard, par la marine marchande.  La version que nous utilisons vient du Sud. Il s’agit d’une cuve à laver, d’un manche à balai et d’une corde.  Plus on tire sur la corde, plus la note est haute. Je vous dévoile mon secret en vous disant que j’utilise une corde de harpe paraguayenne, compliment d’Eralio Gill, mais on peut utiliser du fil à pêche de 200 livres. 

J’atteint environ un octave et demi. Je suis debout dessus et je tappe du pied, assurant ainsi la section rythmique, bass and drums!  On joue encore beaucoup sur la rue et cela exige qu’on attire l’attention par tous les moyens. Alors entre la cuve et la guitare Dobro de Brian, le son que tout cela dégage, et évidemment notre interprétation, nous ne  manquons pas d’attirer l’attention.  Malgré que nous jouons quasi exclusivement du blues, cet instrument donne une saveur de jugband ou de skiffle à notre duo.

Raconte-nous le parcours de Brian en tant que multi instrumentiste?

Brian est de la génération à Clapton.  Il était adolescent en Angleterre à l’époque de la rage du Skiffle, (dominé par Lonnie Donnegan et Ken Colyer) sensiblement identique au Jugband.  Les deux incorporent les intruments à corde, les instruments maisons, cuve à laver, planche à laver, cruche, os, cuiellères, sifflets de trains, cloches, tralala.  Les deux ensembles incorporent essentiellement le blues, quelques ballades folk, les ballades populaires de l’époque ce qui dans le cas des jugbands, inclut du ragtime et des dance tunes. 

Donc, en remontant à la source du skiffle, qui comportait surtout les éléments du blues et du folk américain, une génération entière de Britanniques a pu découvrir le blues.  Brian a vu tous les bluesmen qui se sont produits en Angleterre à l’époque, de Bukka White à Son House, Skip James, Jessee Fuller, Lightning Hopkins, Mississippi John Hurt, Reverend Gary Davis, Sonny Terry, Brownie Mcghee, Memphis Slim,Muddy Waters, Champion Jack Dupree, Walter Horton, Sleepy John Estees, Sonny Boy Williamson,etc.

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Photo: Charles Alyen
Du côté de ses compatriotes, il écoutait Long John Baldry et Alexis Korner, David Graham, Burt Yantz , John Redbourne, Gerry Lochrane (pas certain comment épellé ça), Joanne Kelly ainsi que son frère Dave Kelly, évidemment Lonnie Donnegan et Ken Colyer, les deux rois du Skiffle. Du côté des Américains, il écoutait Rambling Jack Elliott, que nous avons eu le privilège de voir il y a deux ans dans le cadre du Montreal Pop Festival et comme tout le monde Bob Dylan.  Il a fait la tourné des universités et des folk clubs en jouant la guitare dans des ensembles Jugband.

Parle-nous de votre album?

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MP3 - Promo - What'd I Say
Cet album comporte 20 chansons.  Nous en avons enregistré trente et avons gardé les vingt meilleurs. On y a mis nos chansons préférées à ce moment là. Cet album fut possible grâce à un dénommé John Parsons, (qui est une des seules personnes à jouer du Skiffle au Canada sous le nom de Lew Dite) un artiste, musicien et être humain assez particulier, qui invite des gens chez lui pour les enregistrer, pour son propre plaisir et parce qu’ils font quelque chose de particulier. Ce que John ne savait pas, c’est que ça prendrait trois mois, à cause de l’état de santé de Brian à l’époque. Sur cet album, notre chanson préférée, c’est John Henry.  La chanson préférée des amis à Brian en Angleterre, c’est Poor Black Mattie. Moi j’aime Future Blues, parce qu’on ne sait jamais ce que nous réserve l’avenir.

Ton opinion sur le fait que le blues vibre encore aujourd’hui?
Il n’est pas surprenant que le blues vibre encore aujourd’hui et demeurera sans doute toujours populaire, parce que c’est une musique qui touche dans les tripes. Chaque partie du monde a sa forme de Blues. Que ce soit le Flamenco en Espagne, le Fado au Portugal, la musique tzigane en Europe de l’Est ou Gilles Vigneault au Québec, une musique qui raconte des histoires avec tristesse, humour et vérité demeurera toujours populaire.

Il y a définitivement un retour aux instruments acoustique un peu partout. J’aime bien que la génération qui aime PikniK Électronique, aime aussi le blues acoustique.
 
Est-ce que vous vous produirez avec plusieurs autres musiciens?
Nous sommes habitués au format duo.

Quels sont les artistes que vous appréciez le plus aujourd'hui?
Brian : Watermelon Slim, B.B. King, Buddy Guy, Bonnie Rait, The Staple Singers, The Jeff Healy Big Band et certainement un gars nommé Seasick Steve, il y en a tellement.

Danielle : sur votre site j’en ai profité pour faire un tour rapide, j’ai comme toujours, bien aimé Pat Loiselle, parce qu’il s’en tient aux racines. Shakura S'aida à cause de sa voix extraordinaire et le Christian Mallette Big Band parce que j’adore les big bands. Il faut comprendre, pour des maniaques des racines du blues comme nous,  nos artistes préférés sont pour la pluspart malheureusement tous morts. Sur la scène mondiale, on adore la voix d’Amy Whinehouse.
Chez nous, on écoute la radio, surtout les programmes d’informations. On écoute tout ce qui est disponible à la Grande Bibliothèque oui du blues, mais aussi du Jazz, Lena Horne, Peggy Lee, Ella Fitzgerald et Louis Armstrong, etc et du Old time Country music, puis Johnny Cash , Zachary Richard, et toute sorte de chose. Si je trouve une chanson que j’aime, quelque soit sa nature, je la fais jouer ad nauseam!! surtout quand je fais du ménage!

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Photo: Danielle Clément
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Vidéo 2007
Vos projets à court ou moyen terme?
Il faut qu’on fasse un autre album, c’est sûr. Bientôt et qu’on aura en main l’été prochain.  Ça fait plusieurs années que je dis ça et il arrive toujours quelque chose. Donc, je ne dis plus rien. Brian revoit à présent le répertoire de Mississippi Fred McDowell que nous adorons et dont nous interprétons certaines pièces, entre autres Few Short Lines. Au travers tout ça, on fait de la promotion pour les municipalités et avis aux organisateurs d’évènements (haha). On espère remonter sur la scène de quelques Festivals de Blues, mais qui sait vraiment ce que l’avenir nous réserve…
 
 

Réjean Nadon
 


 
 

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