Webzine Le Net Blues
Par: Réjean Nadon
Harmonica Zeke
Multi-instrumentiste - Auteur/compositeur
Harmonica Zeke, un nom estimé dans le milieu du blues. Nous le côtoyons régulièrement sur les grandes scènes blues en été. J'ai en tête ses spectacles accompagnant Mike Goudreau entre autres et celui aussi du festival d'harmonica de Carl Tremblay en 2003 où il avait fait craquer l'auditoire en compagnie du guitariste Steve Hill et du claviériste Michel Chasles. 

Harmoniciste bien entendu et aussi un excellent guitariste. Une maîtrise du blues bien personnelle en parfaite harmonie avec les origines. Je vous invite à partager sa vision du blues, ses projets et bien d'autres sujets avec l'entrevue qui suit.

Salut Zeke, parles-nous de tes origines et comment l'histoire avec le blues a débuté pour toi?
Je n'aime pas beaucoup parler de mes origines, mais je vais te parler d'un de mes souvenirs d'enfance préférés. Il remonte à un matin d'été où je fus complètement médusé par une musique étrange qui venait de tout près de chez moi. C'était un voisin qui faisait jouer et rejouer un disque de Hank Williams qu'il venait de s'acheter.

Jusque là, à cause de mes origines ethniques, je vivais dans un p’tit monde "tricotté bien serré" et j'étais surtout familier avec le Folklore de l'Europe de l'Est. Je ne connaissais presque rien de la musique américaine. En tout cas, rien de la musique "roots" américaine. Eh non, j'avais huit ans à l'époque, et je n'avais pas encore vraiment de "racines" en Amérique.

MP3 Live - Bourbon Street West 2003

Avec Odette Mercure (Basse) - Tremblant 2004
Vidéo
Tout spontanément, j'ai traversé la rue et demandé à mon voisin de remettre le disque. Il a fait mieux que ça: il me l'a donné. Peu de temps après, j'ai eu mon premier radio transistor avec lequel j'écoutais WBFO, la meilleure station radio R&B de Buffalo (New York). C'est ainsi que mes leçons d'accordéon hebdomadaires du samedi après-midi ont graduellement subi une transformation majeure: avec tout le charme et l'insistance d'un enfant de huit ans, j'ai convaincu mon prof de me faire jouer du Boogie Woogie. Ah, les enfants!

Quant à ce qui m’a amené au Québec, il faut remonter à une vingtaine d’années plus tard. J’étais venu dans la ville de Québec avec mon groupe Captain Harmonica and the Marvels pour un séjour de 15 jours au Figaro, sur la rue St-Jean. C'est là que j'ai rencontré Bob Walsh, Guy Bélanger, les Kneale Brothers, etc. qui me parlent encore tous avec enthousiasme de mes performances de cette époque-là. Après avoir reconduit mon band à Toronto, je suis revenu sur mes pas pour rester. C'était en 1976. J’étais tombé en amour avec le Québec et le style de vie qu'on y vit.


Parles-nous de tes bands jusqu’à aujourd’hui?
J'peux pas tout te raconter. D’ailleurs, en passant, si tu veux d’autres détails, tu peux aller faire un tour sur ma page WEB.  Enfin, mon tout premier instrument était et continue d'être l'harmonica. 

Quand j'étais petit, ma mère gardait un harmonica dans l’tiroir à ustensiles de la cuisine. J'avais à peine trois ans quand j'ai finalement découvert qu'en ouvrant le tiroir du bas, j'étais capable de m'étirer suffisamment pour mettre la main sur le petit instrument magique. Quand ma mère m'a pris la main dans l'sac, je m'attendais au pire!! Mais, après m'avoir grondé pour avoir grimper, elle m'a tout simplement pris sous son aile et initié à son passe-temps favori. 

Le reste appartient à l’histoire… comme en témoignent les trois photos noir et blanc que tu vois ci-dessous. Sur la première, je donne mon tout premier spectacle live dans un sous-sol d'église, en 1959. La deuxième remonte à 1984. On m'y voit en compagnie de Brownie McGhee, avec qui j'ai fait une tournée cette année-là. La troisième a été prise en 2000, au festival blues du Mont Tremblant.

Festival d'harmonica de Carl Tremblay
Avec Steve Hill - Café Campus 2003

Buffalo 1959

Lennoxville 1984 avec Brownie McGhee

Tremblant 2000
Pour ce qui est de la guitare, c'est passablement plus tard que j'ai commencé à jouer, autant la standard que la slide, pour accompagner ce que je faisais déjà à l'harmonica. Au cours des ans, bien des gens m'ont complimenté sur mon jeu à la guitare, mais j'ai moi-même toujours considéré la guitare comme un second instrument. Je n'sais pas pourquoi. Ce n'est pourtant pas parce que je n'ai pas ce qu'il faut pour développer un ego de guitariste… (haha!)
 
Qu’est-ce qui t’attire dans la musique blues?
Bon, bien des choses, mais comme ça, à brûle pourpoint, aujourd'hui: une passion pour la vie et pour la vérité. Le blues dépeint la réalité de tous les jours d'une manière qui est parfois fantaisiste, mais jamais frivole. Le blues, par la tradition dont il s’inspire, permet une approche des réalités sociales, politiques et personnelles qui est directe. La voix du blues est pure.

Présentement, tu joues dans un resto à St-Lambert?
Ce n'est pas un restaurant, mais une salle de billard professionnel qui s’appelle La Bande au Coin. Tous les mercredis, j'y présente des concerts de blues acoustiques. 

La formule est simple: à chaque semaine, j'ai un invité spécial. Ce peut être quelqu'un de très connu au Québec, comme Jimmy James ou Rob Lutes, ou quelqu'un de plus strictement connu par les amateurs du genre, comme Gina Seram ou Daniel Livingston. Pour la musique, nous partageons « littéralement » la scène, c.-à-d. que j’accompagne mon invité quand il fait ses pièces, et celui-ci m’accompagne quand je fais les miennes. Ça demande de très grandes oreilles, parce que nous ne jouons pas souvent ensemble, mais ça donne souvent lieu à des moments absolument magiques. 

Des projets en vu?
Ça fait maintenant presque 10 ans que je n’ai rien enregistré mais, cette année, je me sens inspiré. Je travaille présentement une série de pièces originales en studio avec Odette Mercure, à la basse, et Bernadette Fortin, au violon. Ensemble, on s’appelle Crazy Fingers

Site Web
www.progression.net/~omla1026/
À part ça, je poursuis ma collaboration de longue date avec Mike Goudreau et son Boppin’ Blues Band. Enfin, pour m’amuser, j’expérimente aussi avec la musique électronique.
Comment vois-tu le blues d’aujourd’hui? 
Je suis souvent déçu par ce que j’entends autour de moi. Je trouve que notre blues national est dominé par des guitaristes rock qui n’ont pas encore trouvé… Comment dire? … disons, ils n’ont pas trouvé.. ah, voilà : comment se masturber eux-mêmes. Alors, ils masturbent leurs guitares et nous cassent les oreilles à n’en plus finir. En termes plus jolis : Ce que j’entends autour de moi me donne souvent les blues.

As-tu un conseil à donner aux jeunes nouveaux?
Écrivez de bonnes paroles. Écrivez des paroles qui parlent...

Crois-tu que le blues peut mourir un jour?
Non, tant qu’il y aura des gens qui vivent… Tant qu’il y aura des musiciens qui sentent la vie et qui travaillent ensemble à la faire revivre en musique, il y aura du blues. Je veux dire ceci : que la compétition chez les musiciens pour la palme du succès commercial continuera sans doute d’être une menace… mais que l’appel de la tradition, le rappel de notre appartenance première à la communauté des êtres humains, ça, ça ne peut pas mourir… C’est sans compter que le blues va peut-être devoir tous nous enterrer… Je veux dire : quand nous aurons été assez cons pour tous nous entretuer, ou pour avoir complètement pillé/gaspillé la planète… 

Quand on parle du blues d’origine, quel est l’artiste ou les artistes qui t’ont le plus influencé?
Tous m ‘ont influencé d’une manière ou d’une autre. Ils m’ont tous appris quoi faire et, bien souvent aussi, quoi taire.

Tu as accompagné de nombreux artistes jusqu'à maintenant?
Oui. La liste est longue, mais voici quand même quelques noms : Ronnie Hawkins, Roy Payne, Brownie McGhee, Dutch Mason, Gene Taylor, Alan Gerber, etc.

J’aimerais avoir ton opinion sur le piratage internet et sur le phénomène Star Académie?
Le piratage Internet? Yahoo! Et Star Académie? C’est quoi çà?

Dans le monde en général la pire horreur pour toi, en espérant que ce ne soit pas Le Net Blues (haha)?
La violence, la faim, les préjugés, etc.

Ton choix pour le meilleur album au monde a avoir été fait jusqu’ici et pourquoi?
J’ai entendu de très bons albums, aussi bien que de très mauvais. Aucun “meilleur album” ne me vient à l’esprit. Désolé.

Si tu gagnais à la loto plusieurs millions de dollars, qu’en ferais-tu?
J’essaierais d’acheter le Portugal. Merci, Amigo, pour cette entrevue.

Je vous invites à aller visiter son site web ou plusieurs MP3 et photos vous y attendent ainsi que les vidéos disponibles sur cette page. Bonne écoute
 
 

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