Webzine Le Net Blues
-- Par: Pierre '' Goly'' Jobin
golyblues@hotmail.com
Photos: Louise Gosselin

Guitar Shorty ou « De l’abondance du cœur… »

Écrit le 19 novembre 2008
-- Ça aurait pu être de lui, Guitar Shorty, que BB King aurait pu parler quand il m’a dit en entrevue «Most of them are from the heart». Mr David William Kearny aka Guitar Shorty a peut-être été l’entrevue, à la fois la plus facile et la plus pleine de rebondissements que j’ai eue parmi les dizaines que j’ai effectuées avec les bluesmen du Sud des États-Unis et d’ailleurs.

Tout d’abord, je lui ai posé une question et j’en ai peut-être eu pour dix, voire quinze minutes de réponse. Au total, peut-être trois questions posées, pour au-delà de trente, trente-cinq minutes d’entrevue. Du gâteau! D’la copie! Des anecdotes! D’la p’tite histoire tricotée serrée, dans une vie artistique «full truffée d’expériences», bien remplie, débordante, savoureuse!...

En fait, je ne connaissais à peu près rien du bonhomme. D’emblée, en vieux renard des routes, il s’est peut-être aperçu que j’étais sincère et que j’allais à la pêche, en lui posant des questions. Je pense que je tombais bien parce que les bluesmen du Sud aiment bien aller la pêche, parler de la pêche, chanter à propos de la pêche, fantasmer être le catfish que toutes les jolies big legs women voudraient bien attraper pour se le mettre sous la dent… ou ailleurs… M’enfin!...

Toujours est-il que son histoire m’est apparue tellement remplie de «facts of life» truculents et de références incroyables à des expériences et en lien des artistes avec lesquels il me disait avoir joué, que moi, naïf, par inclinaison naturelle, ça m’a amené à vouloir douter un peu de quelques trucs, afin de ne pas risquer d’avoir l’air complètement taré ou ridicule, en éventant ces révélations… Passe qu’il était le beau-frère de Jimi Hendrix, que celui-ci allait le voir jouer parce qu’il aimait sa musique et pour glaner des idées et des licks… Charmant, que Hendrix lui avait raconté qu’il s’était mis à brûler sa guitare sur scène parce qu’il ne pouvait effectuer les back flips que lui effectuait pendant qu’il jouait de la guitare en spectacle… Laissez-moi, donc vous raconter l’histoire que j’ai vue, de mes yeux, vue, entendue, sentie, éprouvée dans le merveilleux monde de la petite histoire du blues!…
 

C’était au D’Auteuil, sur la rue D’Auteuil, à Québec, le 7 novembre 1995, 21 heures, 5$ à la porte, m’enfin, un peu plus tard dans la soirée, en fin de compte plutôt vers la fin de la soirée… Guitar Shorty qui avait abreuvé une foule, je dirais moyennement pleine ou dispersée, selon la perception, de ses envolées guitaristiques plutôt blues rock psychédéliques était descendu en bas de la scène pour aller vers le public, fait plutôt courant pour un bluesman de la vieille école, n’est-ce pas? C’est vrai que la salle était plutôt clairsemée, à cette heure-là… Ne le vois-je tu pas, tout en jouant de la guitare, tasser les chaises avec ses pieds, une à une… J’me rappelle m’être dit en moi-même, coudon, est-il en train de commencer à faire le ménage pour aider le concierge? Ça ressemblait vraiment à ça : «Guitar Shorty, le concierge du blues!» Wow! Quel beau titre, ça fait vraiment col bleu du blues, la vraie affaire, le gars du peuple, etc, etc, etc!… Après, ce qui m’a paru une dizaine de minutes de rangement de chaises, comme ça, mine de rien, ça peut toujours aider le concierge, v’là ti pas, qu’il se recule, tout en continuant toujours à jouer de la guitare de façon cool, puis… prend quelques enjambées, fait un saut périlleux… avant, si ma mémoire est bonne, sans mains, la guitare, toujours dans les mains, bien sûr, puis qu’il retombe sur ses pieds tout en continuant toujours de jouer de sa six cordes! En fait, j’pourrais pas dire s’il s’est arrêté de jouer, pendant qu’il tournait! 
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Le flip est plus vite que l’œil, comme le disent, si élégamment, les juges de compétition de gymnastique! M’enfin, je n’ai pas revu, depuis, cette figure de style libre, «surfe la guitare, atterrit sur le turf», et, je comprends maintenant mieux pourquoi Jimi Hendrix a brûlé sa guitare à Monterry! «Are you experienced?» qu’il disait! En tout cas, il ne devait pas poser cette question pour son beau-frère, quand même!… Fin de l’expérience inusitée et inhabituelle, «blues acrobatique»!... Ça pourrait peut-être devenir une catégorie pour le Gala Lys Blues, tout comme la catégorie «Blues en français», s’il y en avait suffisamment, mais, ici, je m’égare… Revenons à nos moutons!... 
 
-- Dès la deuxième question, si je me souviens bien, Guitar Shorty me racontait qu’il avait été le premier guitariste dans le band de Ray Charles, car habituellement, à cette époque, Ray Charles jouait sans guitariste… Il ajoutait qu’il avait joué avec Sam Cooke, l’un des plus grands du rythm & blues, l’idole de Rod Stewart, que celui-ci, à une certaine époque reproduisait avec la similitude vocale, d’inflexions et de voix râpeuse propre à détourner les gens de la «vraie affaire», quoique en blues y’a-t-il une orthodoxie qui tienne devant tant d’humour, de simplicité terre-à-terre et de bonhommie? Rajoutez avec cela qu’il mentionnait avoir joué avec T-Bone Walker, un autre athlète de la guitare qui jouait de la guitare, avec la guitare derrière la tête, tout en faisant un «espèce de split». En pensant à ça, rétroactivement, et, sachant maintenant que Guitar Shorty, ce natif du Texas, a été élevé en Floride par sa grand-mère, à Kissimmee, plus précisément, je suis content de ne pas avoir eu cette information, à l’époque, car Kissimmee, étant situé tout près de Walt Disney’s Disneyland, le paradis du «fake merveilleux», j’aurais pu croire que lui aussi était un fumiste du genre à faire «voguer carré» les bateaux sur des rails au fond des bassins. 
Mais, bien sûr, tel n’est pas le cas, même si je m’étais gardé une p’tite gêne sur l’histoire avec Ray Charles qui m’apparaissait plutôt invraisemblable, ce volubile conteur m’était apparu tout à fait dans la lignée de ces vieux bluesmen nés dans le Mississippi et grandis à Chicago qui racontent la simplicité et l’insolite, le terre-à-terre et le merveilleux, l’humanité et la détermination, un peu comme mes oncles de l’époque du Québec rural.

Je crois que j’aurais mille questions à poser encore à Guitar Shorty et mille éternités de réponses à l’écouter…

Citation de Guitar Shorty : «Willie Dixon was a huge influence on me and on my singing. If it hadn’t been for him, I never would have recorded. »

Pour plus d’informations sur Guitar Shorty, visitez son site au www.guitarshorty.com

À la prochaine, et comme je dis toujours, le blues est une route de hauts et de bas, avec des courbes pour les réunir. M’enfin!...

Cet article est à paraître dans mon prochain livre : Des gens de cœur, pour la plupart, Les bluesmen que j’ai rencontrés. 

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Pierre ''Goly'' Jobin
 

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