Webzine Le Net Blues
-- Par: Patricia Clavel
patricia_clavel_netblues@hotmail.com
Photos: Guy Marsolais
Photos: Marcel Dubois
35 bougies font briller le Bistro à Jojo
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Jean Millaire - Andrée Dupré

Duke - Jim Zeller
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Steve Hill
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Le Bistro à Jojo célèbre cette année son 35e anniversaire d’existence. Surnommé ainsi grâce au premier propriétaire Joe Lévis que l’on appelait JoJo, le 1627 St-Denis est devenu l’institution du blues au Québec et diffuse des spectacles sept soirs sur sept. Au fil des ans, un nombre phénoménal d’artistes ont foulé la scène de ce bar mythique en offrant aux spectateurs des moments magiques et privilégiés. Combien se souviendront de la première fois où ils sont entrés au Bistro à Jojo, ou encore la première fois qu’ils y ont joué ?
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Nick Payne
Afin de souligner son anniversaire, le Bistro à Jojo offrit en guise de cadeau le 6 juin dernier, un spectacle fort attendu, celui de Steve Hill & The Majestiks. La scène du Bistro n’est pas étrangère au virtuose de la guitare, mais il s’agissait d’une première pour ses Majestiks qui présentèrent des chansons de leur album paru en 2009. La place était pleine à craquer pour le spectacle de 19h et la soirée a continué jusqu’aux petites heures de la nuit, dans un jam night des plus mémorable. La liste d’artistes était richissime, les Jean Millaire, Andrée Duprée, Carl Tremblay, Jim Zeller, Carlos Veiga, Michel Chasles, Rosie, Nic Payne, Julie Bouchard, Kenny Dupree, Duke, Unkle Groove sont parmi tant d’autres montés sur scène et ont fait de cette soirée exactement ce à quoi l’on pouvait s’attendre : une orgie musicale de talents multiples. 

La réputation du Bistro n’est plus à faire. Nouvellement acquis par Danny Cyr, ce propriétaire n’a rien changé des boîtes murales dans lesquelles sont insérés des guitares, des photos, des disques d’or et des Félix. On y entre comme dans un musée où les Bob Harrisson, Marjo, Éric Lapointe, Jim Zeller, Carl Tremblay, Bob Walsh, Pat Metheny, Guy Bélanger et bien d’autres y ont laissé un certain souvenir. Le personnel attachant et la clientèle régulière s’ajoutent au charme que génère ce temple du blues. On y entre en se sentant chez soi, dans la bonne humeur et au rythme d’une musique qui vient nous bousculer l’âme.

J’ai cru bon de récolter différentes anecdotes ou des souvenirs ancrés dans la mémoire d’artistes qui y sont passés ou même de certains employés, dont Mireille Matte et Gabriel Marsan. Je vous invite d’abord à lire une entrevue avec Steve Hill, effectuée dans les “coulisses” du Bistro, peu de temps après son spectacle du tonnerre qui fut exceptionnellement diffusé en direct sur les ondes de CHOM FM ce soir-là. 

Bonne lecture !

Entrevue avec Steve Hill

Bonsoir Steve. Tu faisais un spectacle ce soir dans le cadre du 35e anniversaire du Bistro à Jojo. J’aimerais savoir ce qu’évoque pour toi cet endroit ?
Le Bistro, c’est une place que je connais depuis très longtemps. J’ai joué pour la première fois ici, en 93. À l’époque je jouais avec Bob Harrisson et un paquet de monde. C’est ici que j’ai connu tous les gars, sur la rue St-Denis. Il y avait le Bistro, le Grand Café, y avait une dizaine de bars de blues dans ce temps-là quand je suis arrivé ici à Montréal où l’on pouvait jouer.

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Randy Reneaud (CHOM FM) - Steve Hill
Dans ce temps-là, tu pouvais gagner ta vie juste sur la rue St-Denis, entre Maisonneuve et Sherbrooke. Il y avait une dizaine de bars et c’était vraiment cool. Et tout ce qui reste de ça, c’est le Bistro. Et le Bistro à l’époque ce n’était pas comme « la place de blues », y avait juste des shows le lundi puis le mardi. C’était là où venaient tous les gars qui faisaient des shows la fin de semaine et là c’était comme notre fin de semaine à nous autres, les lundis et mardis. Tu venais au Bistro puis il y avait toujours un de tes chums qui jouait puis tu pouvais jammer. Donc c’est la seule place qui reste de cette époque-là et ce fut des années fantastiques.
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Steve Hill
Est-ce que tu te souviens du premier spectacle que tu as donné ici ?
Oui, absolument. J’ai même un enregistrement en 93, avec Bob Harrison au drum, Breen Leboeuf à la basse, moi à la guitare... Écoute c’était écoeurant pour moi qui débarquais de la campagne, c’était formidable !

Est-ce qu’il y a eu des rencontres mémorables ou particulières avec d’autres musiciens ?
C’est arrivé souvent. Quand je reviens ici, je reviens voir mes vieux chums : Zeller, Tremblay, Bob Harrisson, toute cette gang-là qui a été des professeurs pour moi. J’ai appris beaucoup de ces gars-là. Ce sont comme mes années d’université. Moi je ne suis pas allé à l’université, je suis venu ici, sur la rue St-Denis. J’ai fait mon bac au Bistro à Jojo !

C’était comment ce soir de jouer devant un Bistro plein à craquer ? 
C’était vraiment tripant. Ça faisait depuis 97 que je n’avais pas fait mon show au Bistro. Ça faisait longtemps ! Puis j’étais très content de revenir. 

Est-ce que l’on pourrait espérer éventuellement te revoir ici en spectacle ?
Je ne sais pas, c’était une occasion spéciale. Mais quand je sors, ça arrive que je vienne ici et si les gars m’invitent à jammer, j’y vais tout le temps. Et ça, ça va continuer. Puis s’il y a d’autres événements ou occasions comme on a fait ce soir, bien certainement. J’ai eu bien du fun. 

Patricia : Merci beaucoup Steve et surtout, merci de nous avoir offert tant de beaux moments au Bistro à Jojo. C’est toujours un plaisir de te voir sur scène. 
Steve Hill : Merci à toi.

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Rock Laroche - Steve Hill

 








Entrevue avec Danny Cyr, le nouveau propriétaire du Bistro à Jojo
L’année 2010 évoque aussi le départ de Francis Chamberland, qui a cédé les clés du Bistro à Jojo après quatorze ans d’administration. Je profite de cette tribune afin de le remercier pour toutes ces années. Sans lui, l’endroit n’aurait pas la notoriété actuelle qu’on lui accorde. Au fil des ans, il nous fit découvrir une ribambelle d’artistes et sa fidèle collaboration avec le Net Blues mérite d’être soulignée. 

S’étant assuré de passer le flambeau à un homme de confiance capable d’entretenir la réputation du Bistro, c’est à Danny Cyr qu’appartient désormais l’endroit féerique. Le 22 juin dernier, je suis donc allée le rencontrer pour une entrevue, dans le but de dresser un portrait de ce nouveau propriétaire. J’ai rencontré un homme ambitieux, sympathique et généreux, qui nous laisse croire que le temple du blues est définitivement entre bonnes mains ! Soyez-en rassurés.

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Carlos Veiga - Danny Cyr - Mireille Matte
Steve Hill - Nick Payne
Bonjour Danny. En 2010, tu as fait l’acquisition du Bistro à Jojo qui appartenait auparavant à Francis Chamberland. Comment en es-tu venu à acheter le Bistro ?
Danny : Je regardais une « business », qui était un autre bar du quartier Plateau Mont-Royal et à un moment donné, un avocat qui connaissait le mien, nous a dit qu’on avait une opportunité d’acheter un autre bar. Moi je pensais être au courant pas mal de tout le marché à cette époque-là parce que j’avais plusieurs courtiers qui travaillaient pour moi à faire de la recherche. Puis à moment donné, ils m’ont dit que le Bistro à Jojo était à vendre. Moi je suis tombé par terre parce que je ne savais pas que c’était à vendre. C’est une institution de 35 ans et une « business » qui va bien avec une bonne réputation. Parce qu’il y a beaucoup de « business » qui sont souvent à vendre pour d’autres raisons ou parce que ça ne marche plus... Mais là, c’était une place qui marchait dans le tapis. Donc là on s’est mis à parler de prix et de transition avec Francis.  Parce que Francis… avant de passer la « puck » à quelqu’un, il voulait être vraiment sûr que ce soit à un gars qui était capable d’aller jusqu’au bout et de ne pas jeter cette place-là à terre. Alors ça a pris je dirais un 6-7 mois de négociations. On a commencé en juin 2009, on a négocié, on a parlé, on s’est rencontrés plusieurs fois. Je dirais en bon « canayen », qu’il m’a « sizé » et il a vu que j’étais le gars de la situation
 Que j’étais capable de faire de quoi avec sa place et puis de ne pas la jeter par terre. Parce que c’était son bébé. C’était un gars qui était bien fier et puis qui était proche de sa place. Même que je dirais qu’il avait de la misère à la laisser aller. En négociant, on le ressentait que Francis avait beaucoup d’appartenance à cette place-là. Il a passé quatorze ans à l’administrer et à en prendre soin. C’est comme une maison que tu as bâtie, tu l’adores et après tu es obligé de la vendre. Ça ne te tente pas de t’en aller. Tu te dis que tu ne te vois pas aller ailleurs que dans celle-là. Alors, c’est comme ça que c’est parti.

Si on peut parler de moi, moi je suis un gars de public, j’ai été dans le public pendant vingt ans. Je suis aussi un administrateur en affaire, je suis un gars qui, lorsque j’entreprends quelque chose, je vais jusqu’au bout. Je ne lâche pas en cours de route. Côté musical, je joue du drum. Entre parenthèses, je suis un petit batteur de sous-sol. Je ne suis pas le genre de gars qui va prendre de la place sur un « stage » pour montrer à tout le monde qu’il sait jouer de la batterie. Je ne suis pas ce genre-là. Je suis plutôt « low profile », qui s’amuse avec ses amis dans le sous-sol. Mais j’adore la musique. Quand j’étais tout petit, mes parents mettaient des tourne-disques sur lesquels tu pouvais empiler des 33 tours. C’était une boîte dont tu ouvrais le couvert et là, tu pouvais empiler tes 33 tours avec un petit bras. Puis ma mère, quand j’étais bébé, parce que j’aimais tellement la musique, elle m’empilait cinq 33 tours puis elle les laissait rouler et je dormais. Puis quand les 33 tours arrêtaient de jouer, je me réveillais.

Qu’est-ce qu’on pouvait entendre sur les 33 tours ?

Dans ce temps-là, c’était toute la musique de mes parents… les Beatles, etc. Je suis né en 61. Moi j’écoute de la musique aujourd’hui de tous les styles. J’aime toute la musique, que ce soit blues, rock, funk, R’N’B, j’adore la musique. La première affaire que je fais quand je me lève le matin, c’est de mettre de la musique. Moi ça me prend ça. J’ai un sous-sol qui est converti pour être capable de m’amuser, avec un écran géant. Je peux jouer du drum, regarder l’écran, m’amuser et me sentir dedans. C’est mon trip. J’ai eu mon fils très jeune et ça ne m’a peut-être pas permis de réaliser des rêves dans le domaine de la musique. Parce que je suis tombé avec des responsabilités très jeune. Tu deviens le pourvoyeur à 24 ans et bien tu ne peux pas prendre une chance de dire : Ah ! J’adore la musique, je vais me lancer dans ce milieu-là ! Je suis tombé d’une certaine façon dans un milieu d’hommes. Un milieu super mature puis tous ces rêves-là, je les ai mis de côté. Puis là, je vais avoir 49 ans cette année, et le premier janvier, j’ai réalisé un rêve. J’ai acheté le Bistro à Jojo et je côtoie, quant à moi, les meilleurs musiciens de la ville. Je connais l’aspect administratif afin d’administrer le bar, les commandes, les machines à poker, le staff. Je suis proche de tout le monde. Je pense que les employés m’aiment bien gros. Puis moi, le contact humain, je trouve ça bien important. 
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Danny Cyr - Steve Hill - Isabelle

Je suis capable de dire les vraies affaires à un employé comme je suis capable de dire : tu es super bon dans ce que tu fais. Même affaire pour un artiste, je suis capable de négocier un cachet. Ce n’est pas parce que je t’ai dit que tu étais bon, que je suis obligé de te surpayer non plus. Je trouve que tu peux être juste, tout en disant les vraies affaires. Parce que c’est une petite place ici, tu ne peux pas t’éterniser à payer des fortunes parce qu’il y a juste pas assez de monde pour être capable de faire ça. Donc je suis proche des artistes. Ma récompense, à la fin de la journée, après avoir placé mes commandes, après avoir passé bien du temps en arrière de mon ordinateur et tout l’aspect plate de la comptabilité, bien mon « kick » à moi, c’est de voir le spectacle en fin de journée. Et ça, ça me ramène à mes racines de jeunesse. Parce que cette place-ci, c’est une place mythique, c’est comme un demi-sous-sol, les plafonds sont bas, il y a des murs de pierres. C’est bien bien spécial. Et moi jeune, quand je jouais avec mes chums, on était dans une petite cave, c’était dans les années 60-70, début 80, avec des bardeaux de bois au mur, et c’était à peu près la même chaleur. Et moi je le sais ce qu’ils retrouvent les artistes lorsqu’ils viennent ici. Ils retrouvent le sous-sol. Le trip de jouer dans un sous-sol, comme lorsqu’ils étaient « kids ». Ils retrouvent cette chaleur-là, qu’ils ne retrouvent pas ailleurs. C’est l’aspect « winner » du Bistro à Jojo.

Mais toi, avant d’acheter le Bistro à Jojo, est-ce que tu fréquentais l’endroit ?
Moi je suis un gars de la Rive-Sud. Je le connaissais, je venais de temps à autre, mais pas souvent. Nous, sur la Rive-Sud, il y a la question des ponts, de la boisson, les barrages, etc. Alors, je me tenais plus proche de la Rive-Sud. Mais c’est sûr que quand c’était le temps de voir un « live band », on venait ici. Ou on pouvait aller voir un spectacle au Centre Bell et venir terminer la soirée au Bistro à Jojo. Mais je ne dirais pas que j’étais un habitué et que je venais toutes les semaines comme je vois mes clients. Aujourd’hui je vois des clients… je le sais qu’ils sont là 2-3 fois par semaine et je sais que c’est en dedans d’eux autres. Pour être honnête, je m’aperçois que j’ai manqué quelque chose toutes ces années-là. Mais je me reprends (rires).
 

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Danny Cyr - Nick Payne
Tu disais que ta récompense en fin de journée, c’était de voir le spectacle. Mais ça ne te donne pas un peu le vertige d’avoir des journées si chargées ?
Non parce que si tu es passionné, t’es pas fatigué. Si tu aimes ce que tu fais, tu peux mettre cent heures par semaine et ce n’est pas un travail. Moi tous les jours quand je viens ici, ça me fait triper d’embarquer dans mon auto et de venir travailler. Donc à partir de là, tu me dirais, viens te baigner dans une piscine à 90 degrés, à tous les jours et te faire bronzer, pour moi venir au Bistro, c’est la même affaire. Donc ça ne me dérange pas et je n’ai pas peur de ça. Ce qu’il faut que je surveille, c’est la fatigue mentale. Tu te couches à des heures de fous et le lendemain ça recommence. Donc il faut trouver un juste milieu dans mes horaires et me reposer. C’est comme un décalage horaire. Il faut gérer son sommeil. Mais comme je te dis, si tu es passionné, il n'y en pas de problèmes. Tu vas aller jusqu’au bout tout le temps, quand tu aimes ce que tu fais.

Tu me disais, avant l’entrevue, avoir beaucoup d’ambitions pour le Bistro à Jojo, est-ce que tu peux me parler un peu de tes projets ?

Il y a beaucoup de relève en ville. Randy Renaud (CHOM FM) a une communauté de blues qui aimerait se produire ici. Alors, on va scruter ça. Je pensais à un projet où je ferais des soirées thématiques de blues/relève, où il y aurait un « house band » qui pourrait inviter des « kids » qui aspirent à devenir musiciens professionnels et ainsi regarder le talent qu’il y a en ville. Ce que je veux dire, c’est que je veux être capable d’aller chercher la crème de la crème. Mais pas comme un Star Académie ! Ce serait des gars qui n’ont pas l’opportunité de montrer leur talent. Donc, ça c’est un projet que je vais commencer à regarder au court des prochains douze mois. Je suis rentré ici, je n’avais pas l’expérience de bar, donc je n’ai pas pu réaliser un paquet de bébelles, parce que j’en avais beaucoup à apprendre, c’était une grosse bouchée. Tu sais, moi, je suis tout seul ici. Il a fallu que j’apprenne la job, que j’apprenne le système en général du bar. Les inventaires, etc. Donc il y a des affaires, dans les six premiers mois, que je n’ai pas pu mettre en pratique. Mais si tu me demandes mes ambitions, ce serait d’aller chercher de la relève, de leur donner la chance d’être sur « stage ». J’ai même parlé avec des artistes, qui eux, se disaient prêts à faire des essais, « live » sur « stage ». Ça donnerait l’opportunité à des clients de voir leur beau-frère qui a du talent et qui aspire à devenir bluesman. Ils pourraient chanter avec Carl Tremblay, ou encore dans une soirée rock avec Les Marshalls. C’est donc quelque chose à explorer au court des douze prochains mois.
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Toujours dans le créneau blues ?
Tout le temps. Toujours dans le blues/rock. Tu ne me verras jamais mettre du boum ! boum ! ici, ou changer l’identité de ce bar-là. Il y a une âme ici et tu ne peux pas toucher à ça. C’est la raison pour laquelle il a survécu trente-cinq ans, c’est qu’il a toujours gardé la même identité. Il faut que tu respectes le client qui part de Blainville et qui se dit : je m’en vais au Bistro à Jojo à soir, et il arrive là et c’est un show de U2. Si tu fais ça, bien tu viens de te tirer dans le pied parce que le gars qui s’est déplacé, il ne se déplacera peut-être pas la prochaine fois. Si tu veux toujours garder l’identité du bar, il faut respecter le client et c’est un bar de blues, de blues/rock. Je vois que le monde aime le rock. Quand j’ai mis Steve Hill au 35e, c’est un artiste qui était très blues et qui a pris un penchant un peu plus rock/blues, puis c’était l’enfer, j’ai vu le monde réagir. Tu vois que c’est vendeur au boute. Le monde adore le rock et ils adorent voir des artistes se produire. Je pense qu’il y a de la sauce pour tout le monde. Mais… je l’ai vu avec la soirée de Steve Hill, c’était « winner » solide. 

Donc est-ce qu’on pourrait espérer, justement, d’autres événements de cette ampleur-là ?

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Jean Millaire - Carl Tremblay - Andrée Dupré
Danny Cyr (Proprio) - Frede Freedom
Absolument. On a fait le lancement d’André Ménard, hier pour le disque « Nos Stars chantent le blues ». Je suis en pourparler avec Ricky Paquette pour une date. Je ne donnerai pas tous mes plans, mais c’est sûr que je veux au moins, une fois par mois, une fois par deux mois, mettre un gros nom sur le « stage » et faire un événement afin de garder cette notoriété-là qu’on a. Il ne faut pas négliger ça.

Alors pour l’instant, la clientèle peut s’attendre à une formule de spectacles sept soirs sur sept, avec un « jam night » le dimanche et des 5 à 9 tout l’été ?
Oui tout l’été. Les musiciens font trois sets de 5 à 9. Pour le « jam night », on a Carlos Veiga qui est là le dimanche, à l’heure actuelle. Je dirais que c’est une soirée blues comme les autres, mais sauf que c’est Carlos qui invite des amis. Alors, il invite des invités spéciaux et fait un jam night avec eux autres. Mais je pense que c’est toujours des « jams nights ». Il y a toujours quelqu’un caché quelque part et qui sort, entre deux tables, pour venir chanter. Je pense que les gars reviennent tous à leurs racines. Il y a des gars qui viennent prendre une bière et ils se font remarquer par le gars qui est sur le « stage », puis là, le party poigne et c’est ce qui fait que c’est un « jam night ».
 

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www.bistroajojo.com
Ce serait quoi ton grand rêve pour le Bistro à Jojo ? 
Je suis en train de vivre un grand rêve. Quand je fais un événement avec Steve Hill, ça, c’est un grand rêve. Je pense que chaque événement, je le regarde, je me pince et je me dis : je suis en train de réaliser ça. Ça me fait triper. Mais mon grand rêve, ce serait d’avoir 500 places assises. Ça, ce serait mon grand rêve mais ça n’existera pas. J’aimerais qu’il y ait encore plus de monde qui profite d’un événement, mais je suis limité. J’ai beau mettre Jonas sur le « stage », mais je sais qu’il va y en avoir qui ne pourront pas rentrer. Mais mes rêves, je suis en train de les réaliser. J’ai du fun au boute. Un rêve aussi, ça serait d’avoir Joe Bonamassa sur le « stage ». Mais tu sais, t’as beau avoir envie de réaliser des projets, il faut avoir le temps de les faire. Il y a beaucoup de gros artistes que j’aimerais qu’ils viennent faire un tour pour s’apercevoir de l’âme qu’il y a ici. J’aurais aimé ça inviter Joe Bonamassa et lui dire : viens prendre un jack avec moi ! C’est des affaires que je vais attaquer dans les douze prochains mois, d’avoir des gros gros noms. J’aimerais beaucoup communiquer avec des bluesmen internationaux et c’est quelque chose que je vais prendre le temps de faire. 

Est-ce que le fait de côtoyer des artistes éveille en toi un côté groupie ?
Non. Ma femme est groupie. Moi je ne suis pas comme ça. Je n’ai jamais été comme ça. Je vois un artiste, je lui sacre la paix et ça ne me fait ni chaud, ni froid. Je respecte ce que lui a accompli dans sa vie. On a chacun nos réalisations, avec le talent qui nous a été donné. Un homme d’affaires, lui, a réalisé d’autres choses. Donc je ne suis pas groupie parce que je respecte ce que l’artiste a pu accomplir avec le talent qui lui a été donné. Je ne perds pas mes sens. Je suis un gars vrai et quand je vois Éric Lapointe, puis quand je lui donne une accolade, c’est comme si ça faisait vingt-cinq ans que je le connaissais. Puis il le ressent. Je le sais, les gars me disent qu’ils ressentent cette énergie-là. Je ne suis pas un gars froid et je ne suis pas un groupie.

Est-ce que c’est Francis qui t’a présenté toute la clientèle ainsi que les artistes ? 
En achetant le bar, on avait une période de transition avec Francis. Francis s’occupait de « booker » les bands pour les six premiers mois de l’année, afin de me permettre d’arriver ici, d’apprendre la « business » et toute l’opération, sans avoir à me soucier de la programmation. La programmation était déjà établie, moi j’avais juste à rentrer ici, rencontrer un artiste qui était déjà « booké », faire un contact et discuter des prochaines dates à partir des mois de juillet/août. Mais les six premiers mois étaient déjà couverts par Francis. Il m’a préparé des CD avec de l’info, des photos d’artistes et toute la structure artistique du bar. Il s’est assuré que j’aie beaucoup de références. 

Avant de terminer, quelle a été ta plus belle soirée passée jusqu’ici au Bistro à Jojo ?
Là tu m’en demandes une bonne. Mon 35e, ça s’est terminé à 7h30 du matin. On était assis ici en arrière, Steve Hill, Ricky Paquette, Gabriel mon gérant, et moi puis on placotait de musique. J’ai connecté avec Steve, j’ai eu du fun avec lui. Je te dirais que c’était une des plus belles soirées de ma vie, celle du 35e anniversaire. 

C’était effectivement une belle soirée et je peux comprendre pourquoi c’est à toi que Francis a vendu le Bistro à Jojo. Merci beaucoup Danny, pour cette entrevue. 
 


Commentaires des artistes
Le Bistro à Jojo est un lieu adulé par bien des mélomanes et musiciens. Il endosse à lui seul d’innombrables souvenirs légués par des artistes qui ont fait de cet endroit un lieu incontournable où les spectacles s’enchaînent jour après jour. 

J’ai demandé à certains de me raconter ce que le 1627, rue St-Denis, évoquait pour eux... 
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Mireille Matte - Jean Millaire

Mireille Matte (barmaid) : En dix ans au Bistro, j’ai une tonne de beaux souvenirs... J’irais avec la première fois où j’ai chanté sur scène en 2003 avec mon mentor Carlos Veiga. C’est à cet instant que j’ai pogné la piqûre ! Il y aussi l’époque où l’on voyait les Lapointe, Boucher et Parent venir triper sur scène avec les habitués du Bistro (Carl Tremblay, Jim Zeller, Carlos Veiga, Bob Harrisson). Le Bistro est un lieu culte pour les artistes et les musiciens. L’endroit est unique et mystique. Dès les premières notes, la magie se fait sentir. C’est une belle grosse famille et c’est pourquoi l’endroit est aussi attachant ! Je m’ennuie beaucoup du temps où Francis prenait sa guitare et nous chantions comme des malades sans regarder les heures passées... Le blues, c’est un mode de vie comme l’a si bien dit mon frère CARL TREMBLAY !
 

Gabriel Marsan (barman) : Je dirais qu’il y a plusieurs moments. On a eu Jeff Healey et plusieurs stars internationales du blues qui sont venus ici. On est chanceux, ça marche vraiment bien. On a découvert certains bands et il nous en reste à découvrir. Depuis dix ans, on est entrain d’aller vers une autre vague un peu plus rock, parce que les racines du blues sont très très larges. Par exemple : Unkle Groove. C’est à cause d’eux autres que les premières fins de semaine on a commencé à aller plus dans le « classic rock », qu’on a vu qu’il y avait un marché pour ça. Y peuvent faire du Stevie Ray Vaughan, beaucoup de tounes blues... Sauf qu’en même temps, le blues c’est bien, mais le rock ça boit ! 
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Bruce Cameron - Carlos Veiga - Ricky Paquette
Danny Cyr - Gabriel Marsan
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Robert Morency
Robert Morency (guitariste/Unkle Groove) : La première fois que je suis allé au Bistro, je n’ai pas pu rentrer parce que comme j’ai toujours eu l’air jeune, on m’avait carté.  C’était le guitariste Jimmy James qui jouait, donc je n’ai pas pu rentrer et j’ai regardé le show, le nez effoiré sur la vitre. Donc à chaque fois que je joue maintenant, je vois le monde avec le nez effoiré sur la vitre et ça me fait penser à ça. C’est super le fun jouer au Bistro à Jojo. C’est une des seules places où le monde regarde vraiment le show. Si les gens veulent danser, ils dansent, et le monde est vraiment attentif, ce qui est rare. Ça me fait penser pas mal au trip qu’on avait dans les années 60, au Fillmore, soit à San Francisco ou à New York. 
En plus petit, mais aussi cool !
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Sonny Wolf (chanteur/guitariste québécois établi au Texas) : Je peut dire que pour moi, personnellement, le Bistro à Jojo c’était comme l’école où j’ai commencé à jouer. En 97, c’était Stephen Barry qui faisait les '' jams nights '' tous les dimanches. De 1997 à l’an 2000, j’ai manqué seulement deux jams ! Je suis allé à chaque fois et c’était vraiment une merveilleuse école parce que Stephen, c’est un gars qui a une grande expérience en blues puis il était très généreux et m’a toujours bien accueilli. Des fois je faisais le show au complet avec lui. Donc pour moi, le Bistro, c’est vraiment la place où j’ai appris à performer « live ». C’est toujours l’fun au Bistro parce qu’il y a de l’intensité. Les gens viennent, ils s’assoient et s’attendent à un spectacle. À chaque fois que je joue là, il faut '' rocker '' la place et la demande d’énergie est très intense. Chaque fois que j’ai une occasion d’y aller, j’y vais. Jo Hell et moi on a commencé en même temps, puis on a eu des belles soirées ensemble, des bons jams. On s’invitait toujours dans nos spectacles. Mais généralement, tous les musiciens du Bistro à Jojo sont gentils. Carlos Veiga aussi a toujours été super accueillant. J’ai beaucoup de beaux souvenirs au Bistro à Jojo.
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Carl Dutremble -Ricky Paquette

Carl Tremblay - Michel Chasle

Richard Boisvert

Daniel Vézina (batteur) : Moi ça fait à peu près quinze ans que je me tiens ici puis un des soirs mémorables, ce fut quand j’ai connu Maurice Provost, le parrain, le vétéran du blues au Bistro à Jojo. Il était ici puis on me l’a présenté et on est devenu des chums. Il m’a présenté un paquet de monde, un paquet de musiciens. C’est la seule place à Montréal où il y a des shows sept soirs sur sept, c’est même connu à l’étranger, aux États-Unis. C’est ma place ici, j’aime ça !

Nicolas Piguet (harmoniciste) : La première fois que je suis venu ici, je n'étais pas encore majeur, j’avais dix-sept ans. J’étais venu voir Carl Tremblay, je pense que je n’avais pas encore de barbe et Carl Tremblay m’a fait jouer, je capotais ! (Rires) C’est un bar merveilleux avec beaucoup d’histoires, beaucoup de charme et quand je viens ici, c’est comme un deuxième salon. Je pense qu’on apprend beaucoup ici, en écoutant et en jouant avec des musiciens/chanteurs. C’est un lieu à part des autres. C’est ici que j’ai commencé à jouer et à triper par rapport à la musique.
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Carl Dutremble - Rosie

Flétan - Sam Harrisson

Julie Bouchard - Carlos Veiga
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Julie Bouchard (chanteuse) : La meilleure anecdote que j’ai à raconter a eu lieu ce soir-même. Je suis rentrée et c’était Steve Hill & the Majestiks. La place était bondée à craquer et l’ambiance était de feutre. Les gens étaient souriants. Ce fut vraiment un 35e animé et survolté. C’était la première fois que je voyais Steve Hill faire un show ici, mais il y a aussi Bob Harrisson, Carl Tremblay, Carlos Veiga et compagnie. Mais ce soir, c’était vraiment une coche ou deux de plus par rapport à tout ce que j’ai pu voir ici. Ça faisait longtemps que j’attendais ce band-là ! Quand on monte sur scène ici, on se sent chez soi, on a envie de donner tout ce qu’on a, nos tripes, notre âme au complet et les gens nous le retournent ! 
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Kenny Dupree - Duke

Duke - Henri Fortier - Bruce Cameron
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Kenny Duprée (chanteur/harmoniciste) : Le Bistro représente beaucoup de choses, ça fait déjà douze/treize ans que je joue ici. Il y a eu beaucoup de bons moments, c’est toujours un plaisir de jouer ici, la « crowd » est toujours là et les gens écoutent bien les artistes, ils dansent et tripent, ça fait plaisir ! La première fois que j’ai joué ici c’était en 96 et on était cinq/six musiciens sur scène, on jouait une fin de semaine et c’était une belle expérience !

Carlos Veiga (chanteur/guitariste) : Un moment dont je me souviens trop bien c'est en 2001. La fois qu'André Ménard est venu me voir en personne au Bistro et m'a demandé si je voulais faire la première partie de George Thorogood et que je ne l'ai pas reconnu sur le coup (Mr. Ménard) Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Y a fallu que ce soit Ti-Guy Nadeau qui vienne me chercher dans la loge pour me dire : « Hé le cave, c'est André Ménard à qui tu viens de jaser ! » Je suis parti à la course pour m'excuser et lui parler... Quelle chance qu'il fut encore là !
 
 


Ricky Paquette - Mario Couture - Michel Chasle

Rosie - Mario Couture

Marc Dupuis (batteur/Out of The Blues) : C'est au mois d'avril dernier avec «Out of The Blues», quand Luc Sénéchal, le guitariste, a fait un bout du solo de « Pride and Joy », sur la guitare qui est plantée dans le bar... Les gens tripaient pas mal et nous aussi !
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Henri Fortier - Bruce Cameron
Eric Farran (chanteurs/harmoniciste/The Ramblers): Des moments mémorables au Bistro, j'en ai plein, que ce soit avec mon band, ou en tant que spectateur. Je me rappelle un lundi soir en août 2007, nous étions quatre musiciens sur scène et toutes les tounes que les gens demandaient nous pouvions les jouer. À un moment donné, quelqu'un a demandé '' Smoke on the Water '' de Deep Purple. Moi je ne connaissais pas les paroles, mais le drummer a dit qu'il pouvait la chanter et ainsi de suite, le bassiste et le guitariste ont fait de même. Ça a été comme ça toute la soirée, on ne voulait pas qu’elle finisse. Il y régnait une '' vibe '' de sourires et de bonne humeur à la bonne franquette... Deux jours plus tard, le mercredi 8 août, notre premier set a duré deux heures. Ensuite on a pris un break de vingt-cinq minutes et puis on a fait un set de 12h30 jusqu'à la fermeture. Les gens étaient littéralement en feu. J'ai des photos de ce soir-là et je suis complètement en sueur, comme si j'avais sauté dans une piscine avec mon linge. Vers 2h30, j'annonce la fin du show et un certain Tommy de Sherbrooke nous donne 100$ de plus pour continuer. À 2h40 un autre 100$, les gens étaient déchaînés et nous, on en rajoutait.

Je n’oublierai jamais l'ambiance le soir du mardi, 11 septembre 2001. Les musiciens et moi nous étions appelés, car on ne savait pas si l’on devait jouer ou non. On s'est rendus et l'ambiance était noire, je me rappelle avoir lu une pensée d'un ami à mes parents décédés quelques années plus tôt...

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Je pourrais continuer et continuer, car il y a plein de souvenirs et de bons moments, mais il y en a aussi plein qui se créent à l'instant même. C’est un lieu de rencontre entre nous. Quand nous y jouons, il y a des portes qui s'ouvrent à nous. Le groupe a bénéficié de plus d'un contrat ou de rencontres fructueuses grâce à des soirées au Bistro. Je croise des gens dans la rue ou à l'épicerie et dans d'autres bars qui se souviennent de moi et de mon band au Bistro (j'espère en bien…). Il y a d'autres proprios de bars qui viennent et des artistes de tous les milieux aussi. C’est aussi là-bas que les chauffeurs de taxi envoient des gens en quête de plaisir et de blues/rock'n'roll. En écrivant ceci, j'ai déjà hâte d'y retourner... Ce sont les gens qui y vont qui rendent cet endroit si spécial !

Patricia Clavel
 
 

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Philippe Berghela - Mireille Matte

 
 
 
 

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